jeudi 22 octobre 2009

La Lettre d'Esparbec

Conversation amoureuse que je retrouve dans un fichier ; je la recopie telle quelle. Simple présentation : on baisouillait de temps en temps, cette copine et moi, mais ça commençait à s’user, on se connaissait trop, il fallait chaque fois inventer des astuces pour réveiller la libido. En dehors de ça, on bouffait au resto, on allait au ciné. Copains, quoi. Copains de cul, si vous voulez. Bon, elle devait venir m’aider à ranger mes bouquins à vendre chez Gibert, j’étais envahi, il y en avait partout.
Voilà le dialogue au téléphone (c’est elle qui attaque) :
- A part ça, on dit quoi, cul ou pas cul ?
- Disons pas cul, j’ai pas trop la pêche.
- OK. Moi pareil ; ça doit être le temps. (Silence).
- Le problème, c’est que si on dit : pas cul, tu me connais, j’y penserai, et j’aurai envie.
- Alors, disons cul. Comme ça, tu n’auras pas envie… (Autre silence)
- Ce serait trop facile… tu avais besoin d’en parler ?
- Tu m’excuseras, chérie, c’est toi…
- Parce que je te connais ! J’ai pris les devant… Toujours est-il que maintenant, j’ai les mots dans ma tête… cul, pas cul… pas cul, cul… quelle barbe !
- Tu sais quoi ? Francesca a oublié un de ses godes… on pourrait essayer, puisque tu l’as jamais fait, ça te changerait les idées, non ?
- Tu me connais, c’est pas trop mon truc, toutes ces mécaniques. Une fois, j’ai essayé avec un vibro, j’ai joui tout de suite, comme si je pissais. C’est plutôt un frein, qu’il me faudrait…
- Et si je demandais à Vivari de passer ?
- Tu plaisantes, j’espère ?
- Ecoute plutôt : tu es à genoux sur le lit, prosternée, la tête cachée sous l’oreiller, le cul tourné vers la porte. Toi, tu saurais que c’est lui, mais pour lui, tu ne serais que ce cul anonyme. Il met la capote, il s’envoie ce cul, tu as ton orgasme, il éjacule, et il se casse… C’est l’affaire d’un quart d’heure, à tout casser. Ensuite, on range nos bouquins. T’en dis quoi ?
- J’en dis que c’est le genre de truc que je fais dans ma tête quand je me branle, mais j’aurais jamais assez de couilles au cul…
- Ce sont les siennes, que tu aurais au cul…
- Laisse-moi parler : j’aurais jamais assez de couilles au cul pour le faire !
Ce sont là des « choses mentales », Esparbec de mes deux, ça fonctionne dans tes bouquins branlette, mais pas dans la vie de tous les jours !
- Alors essayons le gode de Francesca ? Dans le trou du cul, comme ça tu jouirais moins vite…
- Tu entends ce que tu dis ? « Son » gode, dans « mon » trou du cul ? Et puis quoi, encore ? Les godes, c’est comme les brosses à dent, chacun a le sien, je me laisserais jamais brosser le trou du cul avec celui d’une autre. Si un jour on s’amuse à ça, je veux voir le papier d'emballage.
- OK, OK... t’énerve pas. Mais réfléchis : ça serait amusant de savoir qu'il a déjà fait jouir une autre nana...
- Amusant pour toi, pas pour moi; attraper le sida avec un gode, ce serait la meilleure ! Ou la chtouille ! Merci bien...
- On lui mettrait un préservatif.
- Au gode?
- Pourquoi pas?
- Ecoute, c'est déjà du plastique, si en plus tu l'enveloppes... A ce moment, fais lui baiser une poupée gonflable. »
Baiser une poupée gonflable avec un gode ! En voilà une idée qui est moderne ! Il faudra que j’en parle à Elizabeth Alexandre. A propos, vous avez lu son bouquin ? Des poupées et des hommes - Enquête sur l’amour artificiel (éditions Musardine). Croyez-moi, ça fait dresser les cheveux sur la tête. Dire qu’il y a des mecs qui font l’amour avec des « choses » !
Moi, ça me terrifie ; pas vous ? Alors qu’il y a tous ces adorables vagins qui se promènent dans les rues des villes…
Où en étais-je ? Peu importe, j’ai couvert ma distance, il est temps de laisser le lecteur se plonger dans l’insolite confession de Judith N., une singulière institutrice qu’un ancien élève se charge de « dresser ». Elle n’a rien d’artificielle, cette confession, c’est du cru (l’eusses-tu cru ?) du cul et du cru, du cul cru et bio, comme la vie !

A bientôt, Bisous.
E.


Préface à la Confession Erotique Il avait été mon élève, 2007

lundi 12 octobre 2009

Le Mange-Femmes


Colosse au passé trouble, l’Ogre veut finir sa vie dans la baise la plus débridée. Il les a toutes eues ; enfin, presque toutes. A l’heure du bilan, quand son médecin lui annonce qu’il a contractée une maladie fatale, il se rend compte que des femmes manquent à son palmarès.
Il va alors se lancer dans sa dernière quête, explorer tous ses fantasmes, franchir tous ses tabous.

Christophe Siébert nous livre là un roman enlevé, à la puissance d'évocation sans concession : raconté à la première personne par le personnage principal, nous entrons directement et crûment dans l'action, en suivant les pérégrinations de l'Ogre.
Personnage énigmatique, il est aussi le médium par lequel Siébert nous montre son talent
d'écrivain. Au-delà du pornographe, il est aussi un talentueux styliste : son récit flirte
ainsi beaucoup avec le polar, et avec une admirable distillation des styles, Siébert jongle
pour nous maintenir en haleine.

L'auteur n'écrit peut-être que d'une main, mais quelle main !


Le Mange-Femmes,
éditions Media 1000, collection Erotiques d'Esparbec,
en vente à la librairie et sur internet

Extrait


Elle redescendait de son perchoir, un livre à la main. Ses longues cuisses
s'entrouvraient sous sa jupe de soubrette. Elle était toujours aussi grande
et toujours aussi snob.

- Vous devriez visiter le rayon supérieur de cette bibliothèque, monsieur
Morel. C'est bourré de livres de cul.

- C'est le signe d'une maison de qualité, mademoiselle.

- Cet ouvrage est assez rare. C'est le Manuel d'érotologie classique de
Friedrich-Karl Forberg. C'est un peu chiant mais instructif.
Vous connaissez ?
Elle montrait un vieux bouquin, relié pleine peau.
- Saviez-vous, par exemple, que certains jeunes gens, à Rome, portaient continuellement
des gants pour soustraire leurs mains au soleil et les adoucir, à l'usage des riches libertins ?
Morel eut une petite moue d'appréciation ironique. Décidément, avec son petit ton pédant
et son air supérieur, cette sainte nitouche le faisait bander.
- Expliquez-moi, Donia. Ça vous excite de vous déguiser en bonniche ? (Il la sentit tiquer.)
La baronne m'a dit que vous étiez sa nèce.
- Sa nièce ? Quelle grosse pouffiasse celle-là, toujours en train de raconter des salades !
Non, je ne suis pas sa nièce, monsieur Morel. La baronne est une amie de ma mère.
Enfin, amie, c'est beaucoup dire. Elles se sont rencontrées au lycée, mais elles sont,
l'une et l'autre, trop vicelardes pour se faire des amies. La baronne adore s'entourer de
"jeunes filles cultivées", comme elle dit. Je suis du cercle, mais je commence à en avoir
ma claque, pour vous dire la vérité. Et en attendant, vous, je vous trouve lourdingue.


La Baronne n'aime pas que ça refroidisse, Philippe Bertrand, La Musardine
en vente à la librairie et sur le site internet