lundi 12 octobre 2009

Extrait


Elle redescendait de son perchoir, un livre à la main. Ses longues cuisses
s'entrouvraient sous sa jupe de soubrette. Elle était toujours aussi grande
et toujours aussi snob.

- Vous devriez visiter le rayon supérieur de cette bibliothèque, monsieur
Morel. C'est bourré de livres de cul.

- C'est le signe d'une maison de qualité, mademoiselle.

- Cet ouvrage est assez rare. C'est le Manuel d'érotologie classique de
Friedrich-Karl Forberg. C'est un peu chiant mais instructif.
Vous connaissez ?
Elle montrait un vieux bouquin, relié pleine peau.
- Saviez-vous, par exemple, que certains jeunes gens, à Rome, portaient continuellement
des gants pour soustraire leurs mains au soleil et les adoucir, à l'usage des riches libertins ?
Morel eut une petite moue d'appréciation ironique. Décidément, avec son petit ton pédant
et son air supérieur, cette sainte nitouche le faisait bander.
- Expliquez-moi, Donia. Ça vous excite de vous déguiser en bonniche ? (Il la sentit tiquer.)
La baronne m'a dit que vous étiez sa nèce.
- Sa nièce ? Quelle grosse pouffiasse celle-là, toujours en train de raconter des salades !
Non, je ne suis pas sa nièce, monsieur Morel. La baronne est une amie de ma mère.
Enfin, amie, c'est beaucoup dire. Elles se sont rencontrées au lycée, mais elles sont,
l'une et l'autre, trop vicelardes pour se faire des amies. La baronne adore s'entourer de
"jeunes filles cultivées", comme elle dit. Je suis du cercle, mais je commence à en avoir
ma claque, pour vous dire la vérité. Et en attendant, vous, je vous trouve lourdingue.


La Baronne n'aime pas que ça refroidisse, Philippe Bertrand, La Musardine
en vente à la librairie et sur le site internet

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